Tourner la première page de Pépites emportées, c'est entrer dans un monde sensible, sensuel et succulent. Pierre Rouve s'adresse à nous avec la tendresse et la sincérité que l'on offre à un enfant ; dans un style léger et des mots riches mais accessibles, il aborde les sujets quotidiens de la vie avec une simplicité désarmante.
Chaque poème nous permet d'entrer dans un moment de vie intense, et la fraîcheur qui en émane n'empêche en rien la profondeur des propos, inspirés des épreuves de la vie : enfance, amitié, amour, fraternité se succèdent sans heurt, dans un voyage envoûtant. Nous ne pouvons arriver à la fin d'une étape sans être happé par le début de la suivante. Parce qu'il ressort, de chaque expérience partagée avec l'auteur, un appel à la vie irrésistible, fondamentalement ancré dans cet être à la sensibilité à fleur de peau.
(Préface, Françoise Meynard)
2003, 86 pages
Extrait
Le berger
Mots qui naissent, dansent,
s’évadent, jaillissent,
orages émeraude, bijoux opaline,
cascades sanguines,
écrins incomparables
de l’âme en tournoiement,
mues éternelles.
Cycles interminables où rien n’est attaché,
où tout s’effile au firmament,
où tout peut être autre et tout recommencer
ou bien tout inverser.
Galets d’argent, roches déchiquetées,
reliefs torturés,
immensité des croupes ondoyantes…
Intriqués, impérieux, tendres, traduits,
mariés, embrassés, enlacés, empruntés,
les mots, proches ou lointains,
mots regards, mots bavards,
emmêlés, emmêlants, aimants ou chatoyants,
prunelles aux grâces printanières,
trésors palpitants
surgis du plus profond passé de l’autre,
échos éclos en promesses de vies…
Les mots suivent la piste
des petits cailloux roses,
des petits cailloux gris
semés à chaque étape,
inscrits à chaque croisée,
au fond de chaque impasse,
sur l’infini cheminement du cœur,
aux détours des affres du passé,
des transports révolus et de ceux à venir,
des extases de l’être,
les mots sont le chemin
et font le maintenant.
Au loin, dans une vallée profonde,
au petit matin,
un berger rassemble ses mots d’amour et,
en vagues ondulantes de mythes insondables,
de questions improbables, d’irréfutables fulgurances,
appelle son troupeau de mots en partance
et voit s’épanouir
au flanc des pentes montagnardes,
inattendue,
l’inaccessible union
du ciel, des rocs, des lacs et de la terre
enrubannée d’écharpes aux mille fleurs sauvages,
indicibles ruisseaux éclaboussant leurs pépites de verre.
Alors, il disparaît à son propre regard
submergé, abandonné au vide des étoiles.